mardi 29 janvier 2008

Problème de gestion, de convention collective ou de culture?

«The significant problem we have, cannot be solved at the same level of thinking with which we treated them» Albert Einstein

Pour les experts du travail, professeurs de management, conseillers en relations industrielles, la gestion du rendement qui est le principe moteur dans toute une organisation apprenante, en l'occurrence les universités, passe par l'évaluation obligatoire, formelle et régulière du personnel. L'évaluation permet non seulement de mesurer les forces et les faiblesses de chacun, de prendre en compte les réalisations du personnel mais sert aussi à d'autres fins dont au développement professionnel et à la mise à niveau des ressources humaines dans un environnement de travail appelé à devenir, c'est un euphémisme de le dire, de plus en plus compétitif et performant. Mais si tous, employés comme employeurs, cadres et professionnels, conviennent que l'exercice est salutaire sinon indispensable, force est de reconnaître que la pratique d'évaluation des performances est inexistante dans ces organisations où le savoir, la compétence et l'expérience devraient être valorisés. Très souvent, on entend les employeurs déplorer les «conventions collectives blindées» pour justifier l'absence de cet exercice dans leur milieu de travail, alors qu'eux-mêmes bénéficient de cette immunité que confère la permanence.

Les conventions collectives ont le dos large. Dans les milieux publics et parapubliques, surtout universitaires, les employés syndiqués comme non syndiqués, notamment chez le personnel professionnel, ne sont pas tous réfractaires à l'exercice. Plus souvent qu'on le pense, ils le réclament car l'absence d'évaluation a pour conséquence de tirer le rendement et l'évaluation de leur fonction vers le bas à leur détriment. Pour Stéphane Brutus,* professeur de gestion à l'École John-Molson de l'Université Concordia: « l'absence d'évaluation individuelle a d'abord pour cause le malaise des gestionnaires, sinon leur incapacité à faire le point avec leurs subordonnés». Les raisons sont multiples. Selon le professeur, les patrons «aiment bien avoir les coudées franches pour l'octroi des postes ou de promotions» et ...pour l'attribution des tâches aussi, mais ils préfèrent cependant «maintenir une certaine ambiguïté sur leurs attentes», question d'éviter que les feedbacks puissent servir à d'autres fins, comme par exemple, pour justifier les demandes de promotion et de réévaluation. D'autant plus que l' exercice requiert beaucoup de planification, sans parler d'habilités de gestion et des compétences spécifiques dans les domaines spécialisés que tous les administrateurs, surtout généralistes, ne possèdent pas. On convient qu'il n'est pas toujours facile de formuler des critiques car cela suppose de la préparation et de l'expérience. Les plus cyniques diront que cette situation présente des avantages pour l'une et l'autre partie, car d'un côté : comment évaluer objectivement le travail de quelqu'un et pourquoi se mettre éventuellement dans le trouble? et de l'autre: pourquoi se forcer quand la promotion ne tient compte ni de l'expérience ni des réalisations?

L'importance de faire le point

On ne saura insister assez sur la pertinence de cette forme de rétroaction qui ne peut que présenter de multiples avantages. Elle permet non seulement d'évaluer le rendement de chacun et son apport dans l'organisation mais aussi de clarifier les attentes des employeurs comme les objectifs du personnel en contribuant à la transparence de la gestion. Elle peut être applicable en milieu non syndiqué comme en milieu syndiqué où contrairement à ce qu'on pense, surtout quand il s'agit du personnel professionnel, les gens ont «besoin de donner un sens à leur travail» et voir leur valeur ou leur contribution à l'avancement des projets de l'entreprise ou de l'organisation reconnue. Il s'agit, selon Denis Morin*, professeur en ressources humaines d'un «problème de gestion et non d'un problème de convention». Dans certains milieux , il peut s'agir d'un problème de culture car cette pratique, bien sûr devrait s'appliquer aussi aux cadres. Il est important, ajoute cet expert, que tout employé, syndiqué ou non, ait conscience de la valeur de son travail et c'est pourquoi, il est à souhaiter qu'un jour, l'évaluation du rendement devienne une pratique généralisée dans les organisations et les institutions au Québec .

* La Presse, section Affaires, 28 janvier 2008 «Les sans bulletin du travail» par Jacinthe Tremblay

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